samedi 18 septembre 2010

Folie passagère

Il est de ces semaines où on aurait envie d’appartenir à une autre nation.  Être Norvégien, tiens.  C’est gentil, social-démocrate, écologique et excellent fondeur, un Norvégien.

Enfin.  On est ce que l’on est avec les gouvernements que l’on mérite, il faut bien se l’avouer.

L’occasion était trop belle pour la laisser passer : en pleine tempête médiatique autour de l’affaire Bastarache (sujet #1 au Québec, pas même défié par la saison des ouragans),  la conférence de presse donnée par Jean Charest allait certainement lancer les journalistes / éditorialistes sur une autre piste.

Et voilà tonton Charest qui claironne, étude en main, preuves à l’appui : si on considère les gens de Charlottetown  comme public potentiel et on fait abstraction des quelques 900 kilomètres qui les séparent de la vieille capitale (ils viendront de Charlottetown, Halifax ou Sept-îles pour remplir les gradins, aucun doute là-dessus, Ernst & Young le certifie) , l’affaire est entendue : le Colisée Nouveau pourrait rapporter $1 million par année.  Il y a ce menu détail de l’investissement initial de $400 millions,  et les frais d’entretien annuels de $3 à 5 millions, mais bon, on ne va pas s’emmêler dans les fleurs du tapis, tout de même !

Viens que je te finance l’amphithéâtre à coup de millions, citoyen, mais ne parlons plus de ces histoires de trafic d’influence et pots-de-vin, veux-tu ?

En somme, ce bon vieux Patapouf s’offrait du capital politique dans la capitale, à même les capitaux de l’État : c’est habile et ça constitue une aubaine pour le PLQ !

Craignant de perdre des plumes en vertu de la frilosité de leur chef Harper, les fédéraux faisaient la pose pour l’œil du caméraman, gilet de Nordiques en guise de veston-cravate.  Sauf l’ami Bernier seule idéologue qui ne soit pas tombée dans la putasserie, mais qui a dû – une fois de plus – faire les frais de la grogne du public. 
Harcelé par des journalistes hors-sujet se voyant déjà tirer la pipe à leurs collègues «de l’autre bout de la 20», M. Harper a dû, dans un rare moment non-idéologue, rappeler que le privé devrait mettre la main à la pâte, pas seulement le citoyen – en particulier celui de l’Ouest, qui le porte au pouvoir.

Et le citoyen ?  Le citoyen – surtout celui de Québec -  ne s’est pas fait prier pour oublier scandales et commission d’enquête. L’éditorialiste aussi, d’ailleurs, s’est laissé prendre au piège : il fallait lire l’imbuvable Réjean Tremblay, qui réussissait une fois de plus à creuser sous les bas-fonds de l’intelligence à coup de sophismes soporifiques et de demi-vérités de mauvaise foi.   Il n’a pas fallu grand temps pour que se fasse entendre la symphonie des comparaisons, la plupart boiteuses.

Le Bon Citoyen : «Le CHUM et l’échangeur Turcot, ça vous dit quelque chose ?  Parce qu’un amphithéâtre, en termes de  besoins de société, c’est aussi criant que une infrastructure routière ou un hôpital !  D’ailleurs, c’est bien connu, les hôpitaux et les routes dans la Ville de Québec ne sont pas financés par les gouvernements, donc ça ne serait que justice qu’on offre à la ville un Nouveau Colisée pour équilibrer cette injustice !

Et le toit du Stade Olympique et le Grand Prix !  Si le gouvernement gaspille son argent sur des conneries, il doit ab-so-lu-ment répéter ailleurs ses erreurs par souci de justice !»
Le Bon Citoyen : « On a financé l’OSM, ça prend un amphithéâtre : c’est du pareil au même, tout le monde sait qu’un opéra ou un orchestre symphonique, ça peut aussi bien survivre qu’une équipe de la LNH sans financement public !

Parce qu’il faut comprendre, Montréalais jaloux : il ne s’agit pas de Nordiques, il s’agit d’amphithéâtre.  Personne n’a parlé de hockey : c’est seulement d’un édifice pouvant accueillir spectacles (c’est bien connu, les tournées musicales évitent Québec parce que 16000 places, ce n’est pas assez, surtout quand la plupart de ces tournées n’en attirent pas autant à Montréal, une agglomération comptant près du triple d’habitants) et congrès (le Centre des Congrès de Québec ne suffit pas à la tâche : autre secret de Polichinelle !) , ou même recevoir les Jeux Olympiques (il y a ce petit détail d’avoir une montagne capable d’accueillir les épreuves alpines, mais bon, ce serait de l’ergotage que d’en discuter !).  Une franchise de la LNH ?  Oui, bon enfin, c’est toi qui mets la charrue avant les bœufs, Montréalais jaloux, et qui prête à l’ami Labeaume des intentions qu’il n’a certes pas !  Nous non plus, partisans du projet, d’ailleurs, n’avions pensé à une équipe de la Ligue Nationale !  Laissons ça à l’entreprise privée.»

L’Impie : «  Où est-elle, d’ailleurs, cette entreprise privée ?  D’habitude, quand il y a un sou à faire, elle ne se fait pas traîner par les cheveux !  Il doit y avoir anguille sous roche pour qu’elle soit si frileuse, non ?  Un million par année, ce n’est quand même pas de la menue monnaie !»

Le Bon Citoyen : «  Encore une fois, tu ne comprends pas, l’ami : ce ne sont pas les revenus qui sont importants, ce sont les taxes.  Tu sais, ces gents qui travaillent au salaire minimum, 4 heures par soir, 3 soirs par semaine, dans les kiosques d’un Nouveau Colisée, c’est tout plein de revenus en impôts !»

L’Impie :  « Ils gagnent si peu qu’ils ne payeront peu ou pas d’impôts, et de toute façon, ce sont les mêmes employés,  à peu de choses près, que ceux de l’actuel Colisée.»

Le Bon Citoyen : « Et que fais-tu de l’argent des taxes sur les billets, sur les hot-dogs, sur la bière ?»

L’Impie : « Mais n’est-ce pas là le même argent de divertissement qui est actuellement dépensé sur d’autres loisirs et pour lesquels les gens payent déjà des taxes ?  À moins que les gens trouvent de l’argent neuf tout-à-coup ?»

Le Bon Citoyen : « Et les impôts payés par les joueurs ? »

L’Impie : « Les joueurs ? Je croyais qu’il n’était pas question de LNH ?  Soit, les joueurs.  Est-ce la seule garantie de l’on ait ?  Et que fait-on s’il ne viennent pas ?  A-t-on les moyens au Québec de se payer un autre Stade Olympique, un grand édifice vide la majeure partie du temps ? »

Le Bon Citoyen : « Tu n’es que de mauvaise foi, et un sale jaloux !  Tu es comme ces gens de l’Ouest qui ne veulent pas qu’on dépense leur argent pour me construire un joujou : un anti- Québec et un faux patriote !  »

Car c’est de cela, pour certains, qu’il s’agit désormais : une question de fierté nationale.   Vous êtes pour le projet, ou contre le Québec et les Québecois.

Et la Marois et le Curzi (il ne sont jamais loin quand on parle de fierté nationale, ceux-là), se sentant oubliés dans le débat politico-sportif, ont ajouté leur grain de sel : Canadien est fédéraliste.  Ce symbole fort de la nation québécoise (en fait de symbole historique, on a vu mieux qu’une entreprise qui depuis toujours a appartenu à de riches intérêts anglophones, profitant du talent des francophones pour s’enrichir, mais bon, passons…)  vote désormais «Non».  Ou quelque chose comme ça.

Pendant ce temps-là, plus personne ne se préoccupe des magouilles dévoilées chez Bastarache.

Et misère.

Enfin.  On est ce que l’on est avec les gouvernements que l’on mérite, il faut bien se l’avouer.

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