dimanche 26 septembre 2010

La maturité

Il a beaucoup été question, cet été, de la maturité acquise par Carey Price cet été.  Pierre angulaire du discours de Pierre Gauthier (un autre Pierre plutôt angulaire, du reste ; ça doit être le régime végétalien) au terme de l’échange qui a envoyé Halak au Saint-Louis.

Aujourd’hui, après deux matchs pré-saison (!), cette maturité supposée est la cible des railleries d’une bonne part du public du Montréal.  Ici, à Ticheurte de face de loup, nous ne sommes pas particulièrement partisans de Carey Price, Jaroslav Halak, ou même de Canadien.  Nous apprécions un bon match de hockey, avant tout pour le plaisir du spectacle sportif.  Mais nous ne nous levons pas de notre siège ni ne nous exclamons quand le Montréal marque, pas plus que nous sombrons dans l’insomnie en raison des déboires du gardien régulier du Montréal.  Aussi, quand nous regardons le portrait d’ensemble avec  notre recul, nous nous demandons : qui, au juste, manque de maturité ?

Le hockey est un divertissement et son poids sur nos vies demeure somme toute futile.  Alors, entre un jeune homme de 23 ans qui doit rappeler à une population entière que ce n’est que du hockey, ou 400 000 émotifs qui vilipendent, diffament, huent et sont animés d’une haine viscérale envers un «pousseux de pucks», mais ne s'insurgent pas que leur premier ministre les encule à tour de bras avec les amis du pouvoir, nous nous demandons bien qui est le plus immature.

Bon choix, mauvais choix, l'échange d’Halak ? Allez donc savoir, surtout après deux matchs préparatoires ou ni l’un ni l’autre des deux jeunes gardiens n’a cassé quoi que ce soit.  Mais la réaction des gens, elle, est bel et bien disproportionnée et immature.

On a complètement perdu de vue qu’un match de hockey, au final, ce ne sont que 12 hommes munis de patins et de bâtons qui tentent de mettre un objet de caoutchouc dans une cage de fer où est tendu un filet de nylon.  Rien de plus.  Peu importe le symbolisme qu’on voudra bien faire porter au jeu, ce ne sera jamais rien de plus qu’un jeu.  Pourtant, pour certains, c’est manière suffisante pour détester en s’en réveiller la nuit un autre homme, dont ils ne connaissent rien, sinon ce que leur apporte la rumeur qu’ils ne peuvent valider.
Mais bon,semble-t-il  qu’au Québec, voir se planter quelqu'un qui avait réussi par le passé. Ça nous fait du bien de frapper sur quelqu'un qui est à terre, ça nous donne le sentiment d'avoir du pouvoir, et ça nous fait oublier notre condition de gens ordinaires. C'est le genre de «gagnants» dont se compose en partie la foule du Centre Bell.   Au risque de nous répéter, affirmons-le à nouveau : une foule sera toujours aussi idiote que le plus idiot de ses membres ; on en a eu une autre preuve la semaine dernière.

On se demande bien quel raisonnement peut bien mener à s’insurger, le lendemain, parce que la cible des huées a souligné, avec justesse, qu’il ne s’agissait que de la pré-saison. On a beau s’agiter et dire que l’achat d’un billet donne le droit de huer. D’abord, un droit n’est pas une obligation. Ensuite, peut-on vraiment s’attendre à du respect quand on en manifeste aussi peu ? Et là encore se pose la question de la maturité : qui est se conduit en enfant ? Celui qui hue alors que le premier coup de sifflet de la saison n’a pas encore été donné, ou celui qui est conscient du ridicule de la chose ?

Et dire que ça ne fait que commencer.

Peut-être serait-il temps de se reculer d’un pas, et de prendre, collectivement, une profonde inspiration ?  La haine, quoiqu’on en dise, n’apportera jamais de positif.

samedi 18 septembre 2010

Folie passagère

Il est de ces semaines où on aurait envie d’appartenir à une autre nation.  Être Norvégien, tiens.  C’est gentil, social-démocrate, écologique et excellent fondeur, un Norvégien.

Enfin.  On est ce que l’on est avec les gouvernements que l’on mérite, il faut bien se l’avouer.

L’occasion était trop belle pour la laisser passer : en pleine tempête médiatique autour de l’affaire Bastarache (sujet #1 au Québec, pas même défié par la saison des ouragans),  la conférence de presse donnée par Jean Charest allait certainement lancer les journalistes / éditorialistes sur une autre piste.

Et voilà tonton Charest qui claironne, étude en main, preuves à l’appui : si on considère les gens de Charlottetown  comme public potentiel et on fait abstraction des quelques 900 kilomètres qui les séparent de la vieille capitale (ils viendront de Charlottetown, Halifax ou Sept-îles pour remplir les gradins, aucun doute là-dessus, Ernst & Young le certifie) , l’affaire est entendue : le Colisée Nouveau pourrait rapporter $1 million par année.  Il y a ce menu détail de l’investissement initial de $400 millions,  et les frais d’entretien annuels de $3 à 5 millions, mais bon, on ne va pas s’emmêler dans les fleurs du tapis, tout de même !

Viens que je te finance l’amphithéâtre à coup de millions, citoyen, mais ne parlons plus de ces histoires de trafic d’influence et pots-de-vin, veux-tu ?

En somme, ce bon vieux Patapouf s’offrait du capital politique dans la capitale, à même les capitaux de l’État : c’est habile et ça constitue une aubaine pour le PLQ !

Craignant de perdre des plumes en vertu de la frilosité de leur chef Harper, les fédéraux faisaient la pose pour l’œil du caméraman, gilet de Nordiques en guise de veston-cravate.  Sauf l’ami Bernier seule idéologue qui ne soit pas tombée dans la putasserie, mais qui a dû – une fois de plus – faire les frais de la grogne du public. 
Harcelé par des journalistes hors-sujet se voyant déjà tirer la pipe à leurs collègues «de l’autre bout de la 20», M. Harper a dû, dans un rare moment non-idéologue, rappeler que le privé devrait mettre la main à la pâte, pas seulement le citoyen – en particulier celui de l’Ouest, qui le porte au pouvoir.

Et le citoyen ?  Le citoyen – surtout celui de Québec -  ne s’est pas fait prier pour oublier scandales et commission d’enquête. L’éditorialiste aussi, d’ailleurs, s’est laissé prendre au piège : il fallait lire l’imbuvable Réjean Tremblay, qui réussissait une fois de plus à creuser sous les bas-fonds de l’intelligence à coup de sophismes soporifiques et de demi-vérités de mauvaise foi.   Il n’a pas fallu grand temps pour que se fasse entendre la symphonie des comparaisons, la plupart boiteuses.

Le Bon Citoyen : «Le CHUM et l’échangeur Turcot, ça vous dit quelque chose ?  Parce qu’un amphithéâtre, en termes de  besoins de société, c’est aussi criant que une infrastructure routière ou un hôpital !  D’ailleurs, c’est bien connu, les hôpitaux et les routes dans la Ville de Québec ne sont pas financés par les gouvernements, donc ça ne serait que justice qu’on offre à la ville un Nouveau Colisée pour équilibrer cette injustice !

Et le toit du Stade Olympique et le Grand Prix !  Si le gouvernement gaspille son argent sur des conneries, il doit ab-so-lu-ment répéter ailleurs ses erreurs par souci de justice !»
Le Bon Citoyen : « On a financé l’OSM, ça prend un amphithéâtre : c’est du pareil au même, tout le monde sait qu’un opéra ou un orchestre symphonique, ça peut aussi bien survivre qu’une équipe de la LNH sans financement public !

Parce qu’il faut comprendre, Montréalais jaloux : il ne s’agit pas de Nordiques, il s’agit d’amphithéâtre.  Personne n’a parlé de hockey : c’est seulement d’un édifice pouvant accueillir spectacles (c’est bien connu, les tournées musicales évitent Québec parce que 16000 places, ce n’est pas assez, surtout quand la plupart de ces tournées n’en attirent pas autant à Montréal, une agglomération comptant près du triple d’habitants) et congrès (le Centre des Congrès de Québec ne suffit pas à la tâche : autre secret de Polichinelle !) , ou même recevoir les Jeux Olympiques (il y a ce petit détail d’avoir une montagne capable d’accueillir les épreuves alpines, mais bon, ce serait de l’ergotage que d’en discuter !).  Une franchise de la LNH ?  Oui, bon enfin, c’est toi qui mets la charrue avant les bœufs, Montréalais jaloux, et qui prête à l’ami Labeaume des intentions qu’il n’a certes pas !  Nous non plus, partisans du projet, d’ailleurs, n’avions pensé à une équipe de la Ligue Nationale !  Laissons ça à l’entreprise privée.»

L’Impie : «  Où est-elle, d’ailleurs, cette entreprise privée ?  D’habitude, quand il y a un sou à faire, elle ne se fait pas traîner par les cheveux !  Il doit y avoir anguille sous roche pour qu’elle soit si frileuse, non ?  Un million par année, ce n’est quand même pas de la menue monnaie !»

Le Bon Citoyen : «  Encore une fois, tu ne comprends pas, l’ami : ce ne sont pas les revenus qui sont importants, ce sont les taxes.  Tu sais, ces gents qui travaillent au salaire minimum, 4 heures par soir, 3 soirs par semaine, dans les kiosques d’un Nouveau Colisée, c’est tout plein de revenus en impôts !»

L’Impie :  « Ils gagnent si peu qu’ils ne payeront peu ou pas d’impôts, et de toute façon, ce sont les mêmes employés,  à peu de choses près, que ceux de l’actuel Colisée.»

Le Bon Citoyen : « Et que fais-tu de l’argent des taxes sur les billets, sur les hot-dogs, sur la bière ?»

L’Impie : « Mais n’est-ce pas là le même argent de divertissement qui est actuellement dépensé sur d’autres loisirs et pour lesquels les gens payent déjà des taxes ?  À moins que les gens trouvent de l’argent neuf tout-à-coup ?»

Le Bon Citoyen : « Et les impôts payés par les joueurs ? »

L’Impie : « Les joueurs ? Je croyais qu’il n’était pas question de LNH ?  Soit, les joueurs.  Est-ce la seule garantie de l’on ait ?  Et que fait-on s’il ne viennent pas ?  A-t-on les moyens au Québec de se payer un autre Stade Olympique, un grand édifice vide la majeure partie du temps ? »

Le Bon Citoyen : « Tu n’es que de mauvaise foi, et un sale jaloux !  Tu es comme ces gens de l’Ouest qui ne veulent pas qu’on dépense leur argent pour me construire un joujou : un anti- Québec et un faux patriote !  »

Car c’est de cela, pour certains, qu’il s’agit désormais : une question de fierté nationale.   Vous êtes pour le projet, ou contre le Québec et les Québecois.

Et la Marois et le Curzi (il ne sont jamais loin quand on parle de fierté nationale, ceux-là), se sentant oubliés dans le débat politico-sportif, ont ajouté leur grain de sel : Canadien est fédéraliste.  Ce symbole fort de la nation québécoise (en fait de symbole historique, on a vu mieux qu’une entreprise qui depuis toujours a appartenu à de riches intérêts anglophones, profitant du talent des francophones pour s’enrichir, mais bon, passons…)  vote désormais «Non».  Ou quelque chose comme ça.

Pendant ce temps-là, plus personne ne se préoccupe des magouilles dévoilées chez Bastarache.

Et misère.

Enfin.  On est ce que l’on est avec les gouvernements que l’on mérite, il faut bien se l’avouer.

lundi 6 septembre 2010

Des petits gars bien de chez nous : un brin d’histoire

«Le sport ne prend pas de vacances».  Ce n’est pas nous qui le disons, c’est le bon ami Jean-Charles (il dit ça et tout plein d’autres choses pleine de sagesse, en fait).   Canadien non plus, ne prend jamais congé.  Ni des médias, ni des cervelles en ébullition des grands esprits qui parsèment la Belle Province.
Ainsi, alors que la politique, pour une fois, ne se terrait pas durant la saison estivale, ce ne sont pas les noms bien de chez nous « Charest » et « Bellemare » qui occupait la population, et les rédacteurs en chef, webmestres et autres chefs d’orchestre des différents médias : ce sont plutôt « Halak » et « Price ».
En fait de noms québécois, ce serait plutôt l’absence de qui a fait jaser. Ainsi donc, alors que Steve Yzerman se méritait les éloges pour sa vision et sa francophilie (vous savez, le même Steve Yzerman qui avait envoyé à Vancouver l’équipe Olympique de hockey affichant la plus basse représentativité québécoise de l’histoire ?), la direction du Club de Hockey Canadien se faisait varloper de tous côtés pour sa francophobie. Ont contribué au tir groupé : Guy Carbonneau, Vincent Damphousse, Patrice Brisebois et Michel Bergeron, encouragés, bien sûr, par les sommités que sont Michel Villeneuve et ses confrères radiophoniques.
La ritournelle se répète à chaque automne, ou presque, et s’appuie sans cesse sur le même constat : les Québécois sont bien peu nombreux sur la patinoire du Centre Bell. Cet état de fait mène à un nombre considérable de dérives interprétatives : affirmation du rôle de promoteur du fait français dans la LNH que devrait assumer Canadien, suspicions sur la francophobie de l’état-major de Canadien, mouvements ( au mieux mignons) de boycott des produits Molson (!), théories fumeuses sur la relation entre les résultats de l’équipe et la proportion d’indigènes, mesures de l’effort basées sur l’origine des joueurs, et ainsi de suite. En somme, il nous faut davantage de joueurs québécois chez Canadien, à la fois parce que cela fait partie de la mission de l’équipe, mais aussi parce que la présence d’un nombre élevé de ces joueurs de chez nous est un gage de réussite.
Ce délire collectif soulève un certain nombre de questions intéressantes : d’abord, ce « nationalisme sportif » est-il unique aux partisans Montréalais ? Où s’inscrit-il dans le portrait de la société québécoise ? Fait-il des québécois des nazis, des intolérants, ou encore des racistes ? Qu’est-ce qui amène certains partisans à exiger qu’un plus grand contingent de Québécois au sein du club ? Leurs prétentions sont-elles justifiées ? Mais surtout : pourquoi y’a-t-il de moins en moins de joueurs locaux dans l’alignement ?
Un peu d’histoire
Pour bien comprendre le présent, il faut parfois regarder le passé, disent certains. Le cas actuel en est un superbe exemple.  Les partisans les plus acharnés d’un Canadien « tout québécois » sont avant tout nostalgiques d’une époque ou les « Frenchies » faisaient la leçon aux autres (cinq) clubs de la ligue.    On reproche à Canadien de ne plus repêcher dans sa cour comme il le faisait durant cet âge d’or. 
Cette assertion est erronée.  Dans les faits, le repêchage existe seulement depuis 1963.  Auparavant,  les équipes développaient eux-mêmes, sur leur territoire, des réseaux dans le hockey mineur.  Au lieu d’un club-école, Canadien avait tout une toile de clubs, de tous les âges, dans lesquelles elle développait les talents locaux.  Ainsi, les jeunes hockeyeurs étaient repérés très jeunes et entraînés afin d’un jour les voir s’aligner avec le grand club.
Dans un tel contexte, durant une vaste partie du XXème siècle,  l’âge d’or du club, Canadien jouissait d’un large avantage sur ses concurrents, pour des raisons sociales, économiques, technologiques et géographiques. 
Socialement, la société québécoise est encore asservie au clergé, peu éduquée, peu cultivée, et pauvre.  Ces facteurs font en sorte que le hockey est non seulement largement pratiqué, il est roi et maître parmi les loisirs des jeunes québécois : on y joue partout, tout l’hiver durant, autant sur patins que dans les rues.  Les loisirs alternatifs que l’on connaît aujourd’hui (planche à neige, sports intérieurs, jeux vidéo, activités plus cérébrales) sont soit inexistantes, hors des moyens financiers de la famille ouvrière moyenne, ou ne sont tout simplement pas intéressant en fonction de la culture populaire de l’époque.
En parallèle à  la position monopolistique du hockey dans les loisirs masculins du siècle dernier au Québec, les facteurs géographiques, technologiques et économiques se joignent pour former un corolaire qui assure à Canadien une hégémonie sur le hockey nord-américain.
Les sociétés démocratiques et les infrastructures du monde occidental sont en plein essor au cours du siècle dernier. De nombreux conforts que nous prenons désormais pour acquis sont tout simplement absents du portrait pendant les trois quarts du XXème siècle. Il en va, entre autres, du foisonnement des arénas, alors que les technologies de réfrigération ne seront démocratisées qu’au milieu du siècle, le hockey se pratique surtout sur des glaces extérieures, voire des plans d’eau gelés. Et où trouve-t-on le plus vaste échantillon de telles étendues, qui sont du reste gelées plus longtemps que partout ailleurs en Amérique du Nord (à l’exception de contrées nordiques peu peuplées ? Et oui, dans la cour de Canadien.
Il s’ensuit que le bassin le plus large de joueurs de hockey, avec à sa disposition le plus de grand nombre de terrains d’entraînement pendant la plus longue période de l’année est la «propriété » du Club de Hockey Canadien. Qui a dit « conditions gagnantes » ? D’ailleurs, s’il fallait se convaincre davantage que ces facteurs ont joué un rôle dans les succès de Canadien, on peut souligner que les équipes ayant obtenu les meilleurs résultats derrière le Canadien, à cette même époque, sont le Toronto et le Détroit… dont la situation rappelle davantage celle du Montréal que le Boston, le New York ou le Chicago (bien qu’on pourrait arguer que les succès de Red Wings est surtout attribuable à un certain… Gordie Howe).
Au tournant des années soixante, sans doute excédés de voir les trois mêmes équipes damer le pion à leurs adversaires année après année, les gouverneurs de la ligue instaurent le repêchage amateur. Dès lors, la donne change pour le Montréal. S’il réussit à conquérir le précieux trophée du Lord Stanley au cours de la décennie 60, il le doit surtout aux derniers vestiges de cette époque faste où il avait le seul droit de regard sur les joueurs locaux.
Également, bien que le repêchage amateur existe dès 1963, le métier de dépisteur en est à ses balbutiements et ne jouit pas des moyens qu’on lui connaît aujourd’hui : on s’imagine mal un dépisteur de cette époque filmer un prospect au fin fond la Russie et télécharger le fichier vidéo pour ses collègues en poste ailleurs dans le monde ! En somme, bien que les clubs n’aient plus un droit de regard sans partage sur leur réseau, ils continueront pendant un moment à se concentrer avant tout sur les joueurs dans leurs parages.
La dernière grande dynastie de Canadien, au cours des années 70, marque un point tournant dans l’histoire du club. Ces cinq conquêtes ne sont plus autant l’œuvre des petits gars d’ici : aux côtés des Béliveau, Lafleur, Lemaire ou Savard, s’alignent des acteurs importants dont les noms ont des consonances du ROC : Robinson, Shutt, Dryden, Bowman. Mais, surtout, Pollock. On doit au directeur-général de génie de nombreux choix au repêchage qui auront façonné les années ’70.
C’est aussi au cours des décennies 60 et 70 que la société québécoise vit des changements profonds et s’ouvre sur le monde : révolution tranquille - réforme de l’éducation à la clé - Exposition universelle, Jeux Olympiques. Le Québec change, rapidement, et le hockey bien qu’important, n’est plus aussi central (paradoxalement, alors que le québécois moyen diversifie ses loisirs, les médias sportifs, eux, se réduisent de plus en plus à une couverture du hockey).  Ailleurs, on pratique de plus en plus notre sport national, et avec la multiplication des patinoires intérieures, le climat québécois n’est plus aussi avantageux qu’il l’a déjà été dans le développement de hockeyeurs de talent.
Les années ’80 marqueront l’entrée en scène des joueurs européens, grâce à l’évolution des moyens de transports et de communication qui facilitent le travail des dépisteurs, phénomène qui sera exacerbé par la chute du rideau de fer et l’ouverture d’un nouveau bassin fertile de joueurs : les joueurs russes. Désormais, le hockey est mondial, et les clubs ne peuvent plus se permettre de jouer seulement dans leur cour.
Ainsi, au fil des années, alors que les accès à des sites d’entraînement se sont multipliés et démocratisés, que les dépisteurs ont élargi leurs horizons, que les québécois ont diversifié leurs intérêts et ont été moins nombreux à embrasser le hockey comme loisir de prédilection, on a assisté à une baisse de représentativité de ceux-ci dans la LNH. Bien que pour des raisons historiques, cette différente est plus marquante chez Canadien, elle n’est surtout que le symptôme d’une roue qui tourne : celle de l’histoire en marche, celle d’une société qui évolue.
Désormais, le génie québécois ne laisse plus sa marque uniquement sur une patinoire : il est cinéaste, homme de théâtre, chef d’orchestre, hommes d’affaires, auteur. Est-ce là un mal si grave ?