samedi 29 octobre 2011

Après une première dizaine : les choix de Pierre Gauthier


Exercer la profession de d.g dans la LNH n’est pas une tâche aussi légère que le laissent entendre certains commentateurs par les temps qui courent.
Il faut mettre en place le bon personnel à divers endroits de la planète hockey afin d’obtenir des rapports précis et (surtout) exacts sur la valeur des joueurs auxquels on est intéressés, juger du prix de ceux-ci, superviser les rangs collégiaux, junior ou amateurs en vue du repêchage, et avoir en tout temps les yeux tournés vers les effectifs actuels afin d’en évaluer les forces et les faiblesses et éventuellement donner de meilleurs outils à son personnel d’entraîneur.
Bien sûr, il ne faut jamais perdre de vue que si une décision (un échange, un licenciement, une promotion) peut avoir un impact important à court terme, cette même décision a également un effet à long terme.
Et, faut-il le rappeler, tout cela doit être fait dans un contexte où les ressources financières sont limitées par les règles de la convention collective, et où la compétition pour les ressources disponibles (principalement les joueurs) est féroce: il ne suffit pas de « vouloir » un joueur pour l’obtenir; ce qui est pourtant une pensée magique qui semble avoir une emprise solide sur la conception que les amateurs se font du travail de ces hommes de hockey.
Ainsi donc, il ne suffit pas de savoir s’entourer de bonnes têtes de hockey (là encore, le travail de ces « éclaireurs » est de loin plus sérieux que celui de la ribambelle de commentateurs qui remplissent le temps d’antenne soir après soir sur une variété de stations, mais il s’agit là d’un thème qui pourrait faire à lui seul l’objet d’un billet), il faut aussi savoir s’entourer de comptables et avoir une boule de cristal un tant soit peu efficace.
En fait, plus que jamais, le travail de d.g. en est un de gestionnaire auquel se superpose la nécessité d’avoir de solides connaissances en matière de hockey. Mais rien de mieux que quelques exemples pour mieux exprimer la complexité de cette profession. Et quoi de mieux qu’un sujet près de nous?
Prenons Pierre Gauthier.
Été 2011. Il y a quelques cas qui préoccupent le D.G. pendant l’entre-saisons. D’abord, l’incertitude entourant la santé de (ou « du genou de ») Markov. Il est élément-clé de sa défensive autrement vieillissante, dont il souhaite rajeunir la composition.
Puis, peut-être désire-t-il ajouter à son offensive également?
On disait d’Emelin qu’il était prêt à faire le saut dans la LNH. Et on voit un bel avenir à Diaz. On croyait que Markov serait prêt, semble-t-il. On a fait signer à Gill son contrat début juin, possiblement autant pour son jeu sur la glace que pour sa longue expérience et son influence auprès de ses coéquipiers.
Restent Hamrlik, Markov et Gorges. Si Markov et Gorges ne sont plus de vertes recrues, il leur reste quand même quelques bonnes saisons au compteur s’ils sont en santé. Gauthier doit faire des choix. Il est handicapé par les lourds contrats consentis à certains vétérans attaquants qui ne produisent pas autant que par le passé, et ne peut dépenser sans limite. Il doit déterminer combien d’argent il veut consacrer au marché des joueurs autonomes et combien il est prêt à consentir en contrats à ces joueurs actuels. À l’aide des rapports (et un peu grâce à sa boule de cristal), il doit établir la valeur de chacun de ces joueurs pour l’organisation, déterminer combien de temps il a la certitude qu’ils pourront offrir des services à l’équipe (pour cela, il doit avoir un plan à long terme avec la progression prévue des meilleurs espoirs du club).
C’est probablement dans ce contexte qu’il a été évalué que Roman Hamrlik deviendrait un joueur dispensable l’an prochain, et qu’on a choisi de lui offrir un contrat d’un an; et le laisser partir sans lui faire une offre de plus longue durée devant le refus du vétéran défenseur, et plutôt faire confiance au renouveau de la défensive. C’est aussi là qu’on a choisi d’être confiant dans le cas de Markov et lui faire une offre à long terme.
Erik Cole était-il le joueur visé par le Montréal, ou a-t-il été celui qu’on a réussi à obtenir dans le derby du 1er juillet? Selon ce que Gauthier a dit, c’était le joueur ciblé, mais on imagine mal le d.g. qualifier sa nouvelle acquisition de prix de consolation!
Voilà donc les principaux choix que Pierre Gauthier à fait, tout en jonglant avec les chiffres :
Laisser tomber Hamrlik
Miser sur les nouvelles (et jeunes) acquisitions en défense
Compter sur un prompt rétablissement de Markov
Faire une offre à Erik Cole.
Il complètera tard dans l’été sa brigade défensive avec la mise sous contrat de Campoli.
Et voilà, on pouvait commencer la saison.
Sauf que.
Sauf qu’au départ de la saison, le genou de Markov n’est toujours pas guéri, Campoli s’est blessé à long terme, Spacek n’est pas non plus de l’alignement, et la relève sur laquelle compte Gauthier n’est pas prête pour un tel défi. Elle peine dans sa zone, est très discrète dans ses relances de l’offensive, et seul Josh Gorges semble lui offrir un début de stabilité. Erik Cole connaît un début de saison lent, et des rumeurs de mésentente entre lui et l’entraîneurs commencent à surgir dans les médias. L’équipe accumule les échecs, et bientôt la grogne monte. À ce moment, les choix de Gauthier, particulièrement celui de laisser tomber Hamrlik semble catastrophiques, surtout quand on considère que Cole, que l’économie d’Hamrlik a permis d’obtenir, est au neutre.
Pourtant, après 8 matchs, au pire de la déprime, seules les performances contre le Calgary et le Pittsburgh ont été vraiment moins qu’ordinaires. Les résultats contre le Toronto (deux fois), le Buffalo et le Colorado ont donné un résultat décevant pour l’équipe mais la performance y est honnête.=. De ceux-ci, les deux matchs qui ont atteint la prolongation ont été particulièrement crève-coeur, car n’eut été des largesses d’une défensive inexpérimentée, dans les deux cas, le Montréal aurait récolté les deux points en temps réglementaire. Le match contre la Floride est terne pour les deux équipes.
Et déjà, Pierre Gauthier doit faire d’autres choix : son équipe croule en 29ème place, la ville est moribonde. Il sait que Spacek revient bientôt. Il compte sur lui pour stabiliser la défensive. Il doit espérer que les Weber, Diaz et Emelin atteignent un jeu du niveau de celui de la LNH. Il souhaite probablement qu’Erik Cole fasse taire les critiques et les rumeurs. Mais en attendant, il doit choisir d’agir. Sa seule option pour améliorer sa défensive se trouble actuellement sur le marché de joueurs autonomes.
Mais s’il veut un joueur de calibre, il devra y mettre le prix. Les autres d.g. connaissent sa situation et ils ne sont pas dupes. Ils ne lui feront pas de cadeaux. Inutile de se raconter des histoires : les Gionta, Gomez, Cammalleri ont de lourds contrats difficiles à refiler à d’autres équipes. Les joueurs plus communs (Darche, Budaj,) sont de moins intéressants car ils remplissent souvent un rôle pour lequel il est plus facile de trouver des candidats. Les joueurs qui intéressent les d.g. adverses sont les Subban, Price, Plekanec, Paciorretty :de jeunes joueurs talentueux et prometteurs. Leur situation de force leur permet ces aspirations et ces conditions.
Pierre Gauthier doit-il hypothéquer l’avenir en sacrifiant un de ces joueurs pour trouver un défenseur d’élite? Ou doit-il compter sur un bon coup du sort ou un alignement des astres? Et quelle est sa marge de manœuvre financière? Et s’il devait manquer d’argent, doit-il envisager de céder son plus haut salarié aux mineures pour se dispenser de son salaire et se donner une marge de manœuvre? Et qu’en pense son propriétaire, qui devrait continuer à payer le salaire au joueur?
Finalement, le d.g. se contentera de remaniements mineurs (départ d’un entraîneur-adjoint pour des raisons demeurées obscures, acquisitions de joueurs anonymes).
Voilà donc les principaux choix que Pierre Gauthier à fait, tout en jonglant avec les chiffres :
Protéger son noyau
Et nous voilà donc, après une première dizaine. Canadien a réussi à sauver 4 points de plus (et la face), Erik Cole semble montrer des signes encourageants, Price montre un peu plus d’aplomb après un début chancelant, et la défensive stabilisée par l’ajout de Spacek réussit à se maintenir la tête hors de l’eau. Les choix de Gauthier semblent moins mauvais. Il faudra les réévaluer dans une autre dizaine, car notre évaluation des choix du d.g. varient avec le temps (notre appréciation du contrat de Cole sera-t-elle la même dans 3 ans? Il y a fort à parier que non).
Mais à la fin, le Montréal sera une nouvelle fois cette année une équipe de milieu de peloton, qui terminera quelque part entre la sixième et la onzième place de son association, qui comptera largement sur son jeu en avantage numérique et le brio de son gardien pour amasser les points qui feront la différence à la fin de la saison. Price volera des matchs, l’attaque punira à l’occasion un adversaire – il faut l’admettre, les Pacioretty, Plekanec, Gionta, Cammalleri, Kostitsyn, Cole, Eller et Desharnais peuvent faire mal à une défensive adverse .
Mais la défensive du Montréal, composée de joueurs vieillissants et de trop jeunes recrues, privée de son as, en échappera également à l’occasion : sa tenue sera un facteur crucial cette année. Si elle se stabilise, Canadien pourrait étonner. Si elle demeure aussi instable, la prochaine dizaine pourrait n’être guère mieux que celle qui se termine.
On s’en reparle dans 10. D’ici là, ne sous-estimez pas le travail du d.g.!

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